« Monsieur ! Monsieur… ! »
J’ouvre difficilement les yeux, la lumière des plafonniers du bus m’éblouit. Je sens quelqu’un me toucher timidement l’épaule. Je me demande qui peut bien interrompre mon sommeil, alors que je n’ai quasiment pas dormi de la nuit. Je décolle ma tête de la vitre, mes cervicales douloureuses m’indiquent que ce n’était pas la position idéale pour m’assoupir…
« Monsieur, vous allez rater votre arrêt ! »
Après un rapide coup d’œil, je découvre la source de cette bousculade mais aussi, à travers la double porte ouverte du bus, le nom de l’arrêt de mon travail. Ni une ni deux, je saute de mon siège, me cognant par la même occasion à l’accoudoir côté couloir que j’avais sciemment abaissé pour que personne ne s’assoie à côté de moi. L’alarme sonore indiquant la fermeture des portes retentit dans le bus. Avec un léger grognement, je dévale les trois marches qui me séparent du trottoir et me retrouve au milieu d’un flux robotique d’individus se dirigeant tous, sans doute, vers leurs prisons pour les neuf prochaines heures. Comme chaque jour, je me sens en colère. Mais aujourd’hui, cette dernière est dirigée vers la femme du bus : de quel droit m’a-t-elle réveillé ? Pourquoi a-t-elle pensé que j’avais besoin d’elle ? J’aurais préféré descendre à l’arrêt suivant, mieux reposé et donc prêt à marcher une dizaine de minutes. Si elle était descendue en même temps que moi, je lui en aurais touché deux mots. Je ne me souviens plus de son visage… Je serai même incapable de donner la couleur de ses cheveux.
Après un léger temps d’arrêt, je décide de me mettre en route vers mon bureau qui se trouve à deux cents mètres. Soudain, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche. Il est sept heures et cinquante-six minutes et avant même de regarder l’écran, je devine directement qui est à l’origine de cet appel : « Nathan ? Nathan ! Qu’est-ce que tu fous ? » me demande Pierre, mon boss.
« C’est déjà la deuxième fois que tu es en retard cette semaine et nous ne sommes que mercredi, t’es où ? » hurle-t-il dans le combiné.
Je suis censé arriver à sept heures et cinquante-cinq minutes pour recevoir le sacro-saint briefing du matin. Celui-ci permet alors d’être disponible à huit heures pétantes pour vendre à de pauvres consommateurs naïfs notre offre d’énergie verte par téléphone.
« J’arrive ! » lui répondis-je.
« De toute façon, mes résultats ne peuvent pas être pires qu’ils ne le sont déjà ! Et puis je suis là dans deux minutes, pas la peine d’en faire toute une histoire ! » m’exaspéré-je.
« Fais attention Nathan ! Ma patience a des limites ! Ramène-toi ! » fulmine-t-il en raccrochant.
Foutue société, si seulement je n’avais pas besoin de cet argent.
Plus qu’une centaine de mètres me sépare du hall de ce bâtiment où des dizaines d’entreprises de prospection siègent. Il faut dire que la mine déconfite de la plupart de mes confrères n’est certainement pas une motivation à se lever le matin. Il me reste un dernier passage piéton à franchir et j’y suis. Avec ma chance, le bonhomme va passer au rouge : et ça ne manque pas, c’est bien ma veine… Je fixe la fenêtre du sixième étage, imaginant Pierre rouge de colère. En face se trouve une femme avec une poussette fouillant dans son sac à main. Trop occupée, elle ne semble pas voir la route. Tout à coup, surgissant de nulle part, je vois son enfant s’élancer vers l’asphalte. À ce même moment, les moteurs coupés par le Start and Stop redémarrent. Très vite, je me rends compte que rien n’empêchera le bambin, plein sourire, de se jeter sous les roues des conducteurs. Il faut que j’intervienne, mon corps me le crie. C’est bien la première fois que je ressens ça. Jamais je ne me suis senti aussi vivant, le sang afflue dans tout mon corps, mes jambes se contractent tellement que je peux les sentir battre. J’ai l’impression que mes talons s’enfoncent dans le sol, que je suis prêt à bondir. La voiture en tête de file démarre et sans en prendre consciemment la décision, je décolle en direction de l’enfant. L’air siffle dans mes oreilles, et avant que je ne m’en rende compte, je saisis le fugueur de jupons, et je le mets hors de danger.
Lorsque je me retourne, je suis de l’autre côté du passage piéton et les voitures ont repris leur danse habituelle. J’accroche le regard d’un des automobilistes qui semble me reprocher ma traversée, comme si ce que je venais de réaliser n’était pas exceptionnel. N’y a-t-il que moi qui réalise que ce pouvoir, cette force apparue soudainement est extraordinaire ? Quant à l’enfant, il est en pleine séance de leçon de vie appliquée par sa mère. La tête du petit fugitif s’abaisse au fur et à mesure que les décibels de la voix de sa mère augmentent. Elle finit par se tourner vers moi et continue son discours : « Regarde les risques que tu as fait prendre au monsieur. Il ne faut plus refaire ça, je t’ai déjà appris que l’on ne traversait que lorsque le bonhomme était vert ! » lui explique-t-elle.
Puis, elle me dit : « Merci monsieur, passez une bonne journée. »
« Vous aussi, madame » lui répondis-je un peu étonné. Elle non plus n’a pas dû saisir le caractère exceptionnel de la course salvatrice que je viens d’effectuer. Peut-être suis-je allé si vite qu’elle n’a pas réussi à me suivre du regard ou était-elle tout simplement distraite ? Je les regarde s’éloigner, traversant cette fois-ci le passage piéton en toute sécurité. Un étrange sentiment m’habite, une impression de ne pas être reconnu à ma juste valeur mélangée avec la fierté d’avoir été utile à la vie de quelqu’un. Après le passage de ce dernier obstacle qui me séparait de mon enfer quotidien, je me trouve désormais au pied de l’immeuble où je travaille.
Je fixe longuement le tourniquet vitré qui donne accès au hall d’accueil, je peux même apercevoir la personne qui s’occupe de la sécurité. Je m’avance, le pas lourd, jusqu’au tourniquet, j’attends que l’ouverture passe devant moi pour m’y engouffrer. Je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’il vient de se passer, ce que j’ai ressenti, cette force surnaturelle. Je réalise que j’ai peut-être maintenant la capacité de me déplacer aussi vite que l’éclair. Mon regard se pose sur le visage du vigile que je ne connais que trop bien, puisque je le croise tous les jours depuis huit ans maintenant. Peu à peu, je sens l’air climatisé du bâtiment me lécher le visage. J’accède enfin au hall, mais mon souffle s’accélère, j’ai de plus en plus de mal à respirer, j’ai besoin de sortir, de ne plus être là. Je me retourne, la foule se presse au sein du tourniquet et je dois forcer le passage pour ne pas attendre le prochain tour. Je me faufile tant bien que mal et je manque de me bloquer le bras et d’arrêter toute la machine. Les personnes de l’autre côté me regardent d’un air surpris. Je suis tellement pressé de me retrouver à l’air libre que je colle presque mon visage contre la paroi vitrée qui avance. Quelques secondes plus tard, je suis devant le bâtiment, j’en profite pour prendre une immense respiration. Je dégouline de sueur et mon cœur bat à tout rompre.
Je sors mon téléphone de ma poche et l’écran s’illumine, affichant huit heures et deux minutes ainsi que quatre appels manqués de Pierre. Je l’imagine faire les cent pas dans la rangée qui passe derrière nos bureaux. Mais c’est décidé, je ne peux pas retourner dans ce bâtiment et encore moins y travailler, pas tant que je n’ai pas compris ce qu’il m’arrive ! Quelle est la source de ce pouvoir ? Soudain, j’ai une idée. Il y a un stade pas très loin avec une piste d’athlétisme autour. Je pourrais très bien essayer de courir ici mais j’ai peur de ne pas réussir à maîtriser ce nouveau don et de me blesser. Je me mets en route. Il y a toujours autant de personnes dans ces satanées rues. Je m’imagine déjà poser mes affaires sur le bord de la piste et faire le tour de celle-ci en moins d’une seconde. Je n’aurais sans doute pas le temps de ressentir la peur que l’on me vole mes affaires. Je rêve déjà à toutes les possibilités que m’offre cette vitesse surréaliste : ne plus jamais prendre le bus, faire mes courses en quelques secondes, éviter Pierre lorsqu’il viendra me demander mes résultats de la journée…
Le bruit du sifflet de l’entraîneur me tire de mes pensées, je suis déjà arrivé devant la grille du stade. Une vingtaine d’élèves jouent au football sur le terrain. Ils n’ont aucun mérite, car il est beaucoup plus petit que ceux que l’on peut apercevoir à la télévision. La chance semble me sourire puisque personne ne s’entraîne sur la piste. Je n’y avais pas réfléchi, mais les joueurs vont sans doute me regarder bizarrement. En effet, mon corps de quadragénaire chétif, habillé en pantalon de costume et en chemisette blanche, avec des chaussures de ville risque de jurer avec la vitesse de ma course. Il me semble qu’ils ne m’ont pas remarqué mais j’hésite quand même à prendre le risque : j’aurais préféré que personne n’assiste à cette prouesse mais j’ai besoin de savoir tout de suite.
Je me place à l’extérieur de la piste, je jette un dernier coup d’œil sur le terrain, tout le monde est assis, écoutant les consignes et les conseils du coach. Je profite de ce moment pour m’élancer. Je me concentre sur ce que j’ai pu ressentir dans mon corps, dans mes jambes, le rythme cardiaque qui s’accélère, le sang qui bouillonne dans mes veines, mais je ne décèle rien. Peut-être était-ce l’adrénaline qui a provoqué ces sensations ? En tout cas, je me jette sur la piste, prêt à la dévorer. Mes premières foulées n’ont rien d’exceptionnel : à vrai dire, je ne me souviens pas avoir essayé de courir une seule fois ces dernières années. J’allonge mes enjambées mais je commence à être au bord de la rupture, aussi bien au niveau du souffle que des muscles alors que je n’ai même pas fait cent mètres. Ma vitesse frise le ridicule et je dois même m’arrêter parce que ma cuisse commence à me lancer. Quelle désillusion. L’idée d’avoir décelé un don me comblait d’un sentiment de liberté, loin de toutes ces obligations futiles de mon quotidien. J’en ai la boule au ventre. Il faut que je me résigne, je serai à jamais un insignifiant employé de bureau, pris au piège de la vie.
En me dirigeant vers le portail du stade, je sens à nouveau mon téléphone vibrer dans ma poche. L’écran indique maintenant huit heures et quinze minutes ainsi qu’une quinzaine d’appels manqués de Pierre dont un en cours. Balayant l’écran de la gauche vers la droite, je décide de lui répondre : « Nathan, qu’est ce que tu fous ? Tout va bien ? On s’inquiète au bureau, le mec de la sécurité t’a vu partir en courant dans un sale état. »
« Ça va Pierre, j’ai eu un léger contretemps, mais c’est réglé, j’arrive au bureau et je rattraperai mes heures ce soir » dis-je la mort dans l’âme.
« OK, content de savoir que tu vas bien. Dépêche-toi, on a beaucoup d’appels sur le dos et ton absence nous a mis dans la merde » me lance-t-il.
« OK… » lui dis-je en raccrochant.
Quelques minutes de marche me séparent du bureau, de ce fameux tourniquet qui me donne déjà de l’angoisse. À vrai dire, je ne sais pas si je vais réussir à entrer dans ce bâtiment. Le flux de passants a changé, les visages endormis d’il y a vingt minutes ont laissé place à des visages pressés et anxieux à l’idée d’être en retard. Tout va très vite autour de moi, mais j’ai l’impression de voir la scène au ralenti. Je m’étonne même de pouvoir anticiper les déplacements des gens. Certains, le téléphone à l’oreille ne se soucient pas des autres, ils ne remarquent personne et ils seraient bien incapables de savoir qui ils ont croisés dans la rue. D’ailleurs, moi aussi je ne saurais pas me souvenir des gens que j’ai pu croiser tout à l’heure en allant au stade. Mais là, c’est différent, mon esprit est présent, mes sens à l’affût, je peux sentir les odeurs de café, de déodorant et capter les émotions de chacun. J’arrive à nouveau devant le portique et étrangement, je suis calme. Je m’élance sans aucun problème et en quelques secondes, je suis à l’intérieur du bâtiment. Stéphane, le garçon de la sécurité dont je ne connaissais pas le prénom avant de le lire sur son badge me regarde avec un air interrogateur et je l’entends dire : « Ah ! Le revoilà ! Je me suis inquiété. J’espère que tout va bien. »
Souvent le nez dans mon téléphone ou la tête dans les nuages, je ne l’avais jamais considéré. Je perçois chez cet homme une immense gentillesse, que je n’avais jamais ressentie chez quelqu’un.
« Je vais mieux oui, merci de vous être inquiété » lui dis-je en le regardant.
« Pardon, c’est à moi que vous parlez ? » me répond-il en regardant derrière lui pour voir si quelqu’un ne s’y trouve pas.
« Oui, je réponds simplement à ce que vous venez de me dire. Je suis content de vous parler, c’est la première fois depuis que je travaille ici » dis-je.
« Je n’ai rien dit monsieur. Mais effectivement, je me suis inquiété pour vous. Je suis aussi heureux de faire votre connaissance » me rétorque-t-il avec un large sourire.
Je suis sûr de l’avoir entendu très clairement. Après ce début de journée, je peux croire à tout, alors j’ai peut-être lu dans ses pensées. Je ne comprends plus rien : tout à l’heure, c’était la super vitesse et maintenant la télépathie. Mon pouls s’accélère à nouveau devant l’incompréhension qui entoure ces récents événements. J’ai de plus en plus de mal à respirer, ma vision se trouble et mes jambes se dérobent sous mon propre poids. Stéphane, voyant que je m’apprête à tomber dans les pommes, accourt vers moi et crie : « Attent… »
Bip, Bip, Bip.
Le son d’un moniteur d’hôpital me réveille. Comment ai-je bien pu atterrir ici ? Ma mémoire me joue des tours. J’essaye de me souvenir du moindre petit indice mais je n’y arrive pas vraiment, peut-être à cause de médicaments qu’ils ont dû m’administrer. Mes affaires sont soigneusement pliées sur la chaise au coin de la pièce, mon téléphone doit y être rangé aussi. Cependant, la quantité de fils et la perfusion sur ma main droite m’empêchent de me lever facilement. Par chance, l’heure est indiquée sur le scope, il est six heures et vingt-trois minutes. Malheureusement la date du jour n’apparaît pas. J’entends dans le couloir des bruits de pas, ceux d’une personne qui pourra, je l’espère, apporter les réponses à mes questions. J’attrape donc le cordon relié à la sonnette et presse le bouton. Deux minutes plus tard, un soignant en blouse bleue et crocs blanches entre dans ma chambre.
« Tout va bien monsieur ? » me demande-t-il.
« Oui, je vais bien. Mais depuis quand suis-je ici ? Qu’est-ce que j’ai ? » questionné-je.
« Vous êtes arrivé hier matin après un malaise cardiaque dans le hall d’entrée de votre travail. Le gardien vous a administré les premiers secours en attendant les pompiers. Vous ne vous souvenez plus de rien ? » dit-il sur un ton rassurant.
Maintenant ça me revient, l’immense vitesse et le sauvetage de l’enfant, la télépathie et Stéphane… De la même façon que la vitesse, mes supposés dons de télépathie semblent avoir disparus puisque je n’entends pas les pensées du soignant. Je ne comprends pas ce qui m’arrive, mais pour la première fois depuis longtemps, je me rends compte que je suis heureux d’être en vie.
« Ça me revient petit à petit. Vous pensez que je pourrai bientôt sortir ? » lui demandé-je.
« Oui, vos analyses n’ont rien montré d’alarmant, sans doute une crise liée au stress. Le médecin va vous rédiger le bon de sortie ainsi qu’une ordonnance et un arrêt de travail de deux mois. Vous avez besoin de beaucoup de repos. Un taxi va vous ramener chez vous, avez-vous quelqu’un à prévenir ? »
« Non, personne. Merci pour tout monsieur » admets-je avec tristesse.
« Vous pouvez m’appeler Luc. »
Il sort de la chambre et quelques instants plus tard, d’autres soignants viennent m’enlever la perfusion et tous les capteurs. Je suis de nouveau libre de mes mouvements. Le bon de sortie est laissé sur la table à côté du plateau-repas pour le petit déjeuner. Mon premier réflexe est de vérifier mon téléphone. Aucun SMS, juste un appel manqué à cinq heures et un message vocal. Je reconnais le numéro du standard du travail. C’est Stéphane qui prenait de mes nouvelles avant de commencer sa journée. Personne ne s’était inquiété pour moi depuis très longtemps. À vrai dire, moi non plus, je ne me suis jamais inquiété pour les autres et cette pensée me fait l’effet d’un électrochoc. Une envie de changement brûle en moi : et si je me mettais au service des autres, si je donnais un sens à ma vie ?
Je ne touche pas au petit déjeuner, m’habille en quatrième vitesse et me rue vers la sortie. Le taxi m’attend, une Citroën C5 noire. Le chauffeur, jusqu’alors debout contre la portière, se redresse et m’ouvre la porte.
« Merci monsieur » le remercié-je.
Par chance, je n’habite qu’à une dizaine de minutes de l’hôpital. Le trajet s’effectue dans un silence religieux. En arrivant devant chez moi, le conducteur enlève sa ceinture et descend pour m’ouvrir.
« Comment vous appelez-vous, monsieur ? »
« Emmanuel ! » me répond-il.
« Merci Emmanuel, et belle journée. »
Je suis sorti de la voiture en me disant que cet Emmanuel, simplement par ses gestes et ses regards, savait prendre soin des autres. Quelle source d’inspiration à l’aube de cette vie qui semble prendre un nouveau tournant. Mon téléphone indique sept heures au moment où je le pose sur la table de mon salon. Par réflexe, je me serai bien étendu dans mon canapé mais je ressens le besoin de mettre fin aujourd’hui et surtout maintenant à ma vie d’avant. La première étape me semble être évidemment de quitter ce travail qui me rend si malheureux. Une discussion à cœur ouvert avec Pierre s’impose.
Mon bus quotidien passe à sept heures et trois minutes, à trois cents mètres de chez moi. Je sors et je me mets en route vers l’arrêt. J’entends le bus arriver mais je ne peux pas le voir à cause de l’angle de la rue. J’accélère le pas, même si les médecins me l’ont déconseillé. Le bip indiquant la fermeture imminente des portes se fait entendre lorsque j’arrive au croisement. J’aperçois l’arrière du bus ainsi que les portes arrière qui se referment. Je ralentis le pas et me résigne : je n’arriverais pas à temps.
Soudain, deux mains de femme sortant de l’intérieur du bus retiennent les portes et les empêchent de se fermer. La force qu’elle exerce contraste avec la douceur et la gentillesse du geste à mon égard : je comprends qu’elle m’aide à atteindre le véhicule à temps. Son visage souriant surgit de l’habitacle et, frappé de stupeur, je reconnais cet ange gardien qui, déjà hier, fut à l’origine d’une journée qui changera à jamais mon existence.
Une évidence m’illumine alors que je saisis sa main pour monter à bord : seul nous ne sommes rien, tous ensemble nous sommes l’éternel.